Vos droits au travail
Conseils pratiques

Le marché du travail demeure, pour les personnes non syndiquées, un chemin semé d’embûches, notamment en raison de leur isolement et des nombreuses lacunes que comportent nos lois encadrant le monde du travail.

Voici donc une série de conseils pratiques issus des nombreuses années d’expérience d’Au bas de l’échelle au service des travailleuses et travailleurs non syndiqué.e.s. Ces conseils pratiques, que vous ne retrouverez pas dans la plupart des lois, seront indispensables à votre « survie » sur le marché du travail!

  • Obtenez de votre employeur l'information la plus claire possible sur votre taux de salaire, votre mode de rémunération (à l'heure, à la semaine, au rendement, etc.), les avantages ayant une valeur pécuniaire, le mode de versement du salaire (argent, chèque ou virement bancaire), les sommes retenues sur votre salaire, la durée de la période de paye (à la semaine, aux deux semaines ou autre), le nombre d'heures de travail exigé, l'horaire habituel de travail, le paiement des heures supplémentaires, le lieu exact où vous travaillerez, les congés payés (fériés, maladie, vacances), les régimes de retraite ou d'assurance collective et, finalement, sur la description des tâches liées à votre poste.
  • Vérifiez auprès de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Programme du travail si l’entreprise pour laquelle vous travaillez est de compétence provinciale ou fédérale, et ce, tout particulièrement si vous travaillez dans le secteur des télécommunications, du transport ou dans un aéroport (pour plus d’informations et pour la liste complète des industries de compétence fédérale, consultez « Les lois fédérales »). Cette démarche vous permettra de savoir quelles lois s’appliquent à vous et, par conséquent, d’identifier les droits et les protections dont vous bénéficiez.
  • Si votre employeur veut vous payer à la semaine, essayez d'établir le plus précisément possible votre horaire habituel de travail, de manière à pouvoir déterminer plutôt un taux horaire. Vous pourrez ainsi, au besoin, réclamer la majoration pour les heures supplémentaires prévue dans la Loi sur les normes du travail après 40 heures de travail dans une semaine.
  • Si vous êtes une personne salariée à pourboire, vérifiez auprès de votre employeur s'il existe une convention de partage des pourboires entre les personnes à son emploi.
  • Prenez bien note de toutes ces conditions de travail, en plus de votre date d’embauche et du nom de votre employeur.
  • Si possible, demandez à votre employeur de mettre par écrit vos conditions de travail. En effet, les preuves écrites sont généralement plus concluantes que les preuves verbales. Rien n’oblige malheureusement votre employeur à accepter de vous remettre un tel écrit, ou à signer un contrat avec vous.
  • Si c’est votre employeur qui vous demande de signer un contrat de travail, vous devriez, dans la mesure du possible, demander un temps de réflexion et même, au besoin, faire vérifier le contenu de ce contrat par une avocate ou un avocat, pour en connaître toutes les implications ! Faites preuve de vigilance quant aux clauses de disponibilité et aux clauses de non-concurrence (voir la sous-section « Obligations de la personne salariée » dans la section 2.2 du chapitre II).
  • Portez une attention particulière à votre contrat si vous travaillez pour une agence de placement temporaire (voir la section 7 du chapitre I, « Les travailleuses et les travailleurs d’agence de placement temporaire » et le chapitre II- « Le Code civil du Québec et le travail). Il est de plus en plus courant d’y retrouver des clauses qui vous interdisent de vous faire embaucher par une entreprise pour laquelle vous avez déjà travaillé, ainsi que pour un client actuel ou même potentiel de l’agence. Certaines de ces clauses peuvent être abusives ou illégales.
  • Vous croyez que les lois du travail ne s’appliquent pas à vous parce que c’est ce qu’affirme votre employeur ou encore à cause de votre titre ou du poste que vous occupez ? Vérifiez auprès d’un organisme gouvernemental, d’un groupe d’appui, d’une avocate ou d’un avocat. Ce n’est pas parce que votre employeur vous a donné le titre de « travailleur autonome » ou de « cadre supérieur » que c’est ce que vous êtes selon les lois du travail…
  • Gardez précieusement (pendant au moins deux ans) vos talons de chèques ou bulletins de paye ainsi que tout autre document, lettre ou avis reçu de votre employeur (tant que vous demeurez à son emploi et même après). Les employeurs se constituent généralement des dossiers concernant les personnes à leur emploi : à vous de faire de même !
  • Tenez un registre quotidien de vos heures travaillées, surtout si votre horaire de travail est irrégulier ou si vous faites souvent des heures supplémentaires. Un agenda, un calendrier ou un carnet de poche fera l’affaire, mais conservez-le pendant au moins deux ans. Vous pourrez ainsi vérifier si votre employeur respecte les lois et vos droits. Ce document pourra aussi vous servir de preuve au besoin. Assurez-vous notamment que toutes vos heures travaillées ont été comptabilisées, que vos heures supplémentaires ont été payées à temps et demi, etc.
  • Si vous travaillez à pourboire, tenez également un registre quotidien des pourboires reçus. Cela vous aidera à remplir le registre des pourboires ainsi que la déclaration des pourboires que la loi vous oblige à remettre à votre employeur, tout en vous permettant de vérifier si tout est conforme quand vous recevrez votre paye.
  • Si vous devez donner un avis à votre employeur (par exemple, avant de prendre un congé de maternité ou parental, un congé pour un décès ou un mariage, etc.), faites-le toujours par un bref écrit signé et daté. Il est préférable de le transmettre par courrier recommandé en demandant une confirmation de la livraison. Conservez précieusement cette preuve et une copie de l'écrit. Si vous envoyez une mise en demeure, exigez une signature à la livraison.
  • Si votre situation au travail commence à se détériorer, prenez note, jour après jour, de tous les faits qui se rapportent à cette situation dans un journal de bord que vous garderez en votre possession. Ne le laissez pas au travail et n'écrivez pas de notes dans l'ordinateur du bureau. Essayez d’identifier la cause de cette détérioration. Si cela survient à la suite de l’exercice d’un droit prévu par une loi ou s'il s'agit de harcèlement psychologique ou discriminatoire, il est peut-être possible de déposer une plainte, mais vous devrez respecter les délais propres au recours applicable ! Pour avoir du soutien, contactez un groupe d’appui tel Au bas de l’échelle.
  • Les lois du travail sont des lois d’ordre public, ce qui veut dire que personne ne peut négocier de conditions de travail moins avantageuses que ce que la loi prévoit. Si vous avez accepté de telles conditions, sachez que cette entente n’est pas légale et que vous avez droit au moins au minimum prévu par la loi. Par exemple, si vous avez accepté de travailler gratuitement pendant votre période de formation ou de travailler pour un salaire plus faible que le taux du salaire minimum, vous pourriez réclamer ces montants à votre employeur et, s’il refuse de vous les remettre, faire une plainte pécuniaire auprès de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail.
  • Notez discrètement les noms et les coordonnées de vos collègues de travail. Tâchez dans la mesure du possible de garder de bonnes relations. Vous ne savez jamais quand vous aurez besoin de ces collègues pour vous aider dans une démarche.
  • Si des collègues de travail quittent l’entreprise, notez-le et conservez leurs coordonnées. Essayez également de connaître la ou les raisons de leur départ. Cela est très important si vous avez besoin de témoins pour l'exercice d'un recours par la suite.
  • Une bonne façon d’améliorer ses conditions de travail est de se regrouper. Le meilleur moyen de le faire, c’est encore de former un syndicat afin de pouvoir négocier une convention collective avec l’employeur. Un syndicat, c’est un instrument que se donnent les travailleuses et travailleurs pour défendre leurs intérêts avec plus de force, et ainsi améliorer leurs conditions de travail. Pour en savoir plus sur le processus de syndicalisation, consultez le chapitre IV, « La syndicalisation » .
  • Si vous pensez à démissionner, informez-vous d’abord des conséquences d’un tel geste. Dans certains cas, le fait de quitter votre emploi peut diminuer vos chances d’avoir accès à des prestations d’assurance-emploi (assurance-chômage), réduire la compensation financière que vous pourriez obtenir si vous portez plainte contre votre employeur auprès d’un organisme gouvernemental, vous priver de certains avantages sociaux (régime d’assurance invalidité), etc. Avant de prendre une telle décision qui peut être lourde de conséquences, consultez un groupe d’appui ou une avocate ou un avocat spécialisé en droit du travail.
  • Informez-vous de vos droits ! Lisez, entre autres, la section 9 du chapitre I, et ce, même si la Loi sur les normes du travail ne s'applique pas à vous, car vous pourriez y trouver des informations très pertinentes.
  • Votre employeur est obligé de vous remettre avec diligence un relevé d’emploi (le document que vous remettez à l’assurance-emploi au moment de faire une demande de prestations). Il ne peut pas « négocier » la remise de ce document. Avant de remettre ce document à qui que ce soit, lisez-le très attentivement pour voir s’il ne contient pas d’erreurs ou de fausses déclarations, notamment quant à votre motif de départ, et faites-en des photocopies. En cas de doute ou si votre employeur tarde à vous remettre votre relevé, ou si votre relevé est inexact, contactez immédiatement un organisme spécialiste de l'assurance-emploi.
  • Votre employeur ne peut pas vous obliger à signer une quittance ou tout autre document par lequel vous renoncez à toutes réclamations ou à exercer tout recours contre lui, en échange d'un montant d'argent, d’une lettre de recommandation ou d’un relevé d’emploi. S’il insiste pour vous faire signer un tel document, demandez un temps de réflexion et renseignez-vous sur la valeur de ce qui vous est offert. Lorsque vous aurez signé, vous ne pourrez plus revenir en arrière et exercer d’autres recours contre lui.
  • Agissez avec la même vigilance avant d’encaisser un chèque qui porte la mention « En règlement final et complet » ou toute autre mention du même genre. Assurez-vous que le montant correspond à tout ce que votre employeur vous doit. Si ce n’est pas le cas, il peut être tentant d’encaisser le chèque quand même, mais si vous agissez ainsi, vous pourriez perdre tous vos recours ! Si les sommes d’argent en jeu sont élevées, ne prenez aucune chance : consultez une avocate ou un avocat. Si elles sont plus modestes et que vous désirez encaisser le chèque, vous devriez quand même au préalable envoyer une courte lettre à l’employeur par courrier recommandé en demandant une signature à la réception, l’avisant :
    • que vous avez reçu son chèque (numéro, montant, etc.);
    • que ce chèque ne représente qu’une partie des sommes qui vous sont dues;
    • qu’à moins qu’il ne décide de procéder à un arrêt de paiement sur ce chèque dans un délai donné et de vous en aviser, vous allez l’encaisser, mais uniquement à titre de paiement partiel des sommes qui vous sont dues, en conservant vos droits et recours pour les montants encore en souffrance.
  • N’oubliez pas alors d’inscrire à l’endos du chèque, avant de l’encaisser : « Sous réserve de tous mes droits et recours ».
  • Vous avez l’obligation de mitiger (réduire) vos dommages et ce, même si votre employeur a agi d’une façon cavalière avec vous. Il est donc primordial de vous chercher rapidement un nouvel emploi et de conserver des preuves de toutes vos démarches (offres d’emploi parues dans des journaux, sur Internet ou ailleurs, notes détaillées des appels et envois faits, des réponses reçues, des entrevues réalisées, etc.). Si vous n’avez pas fait d’efforts pour vous trouver un nouvel emploi et pour diminuer vos pertes de revenus, ou si vos efforts sont jugés insuffisants, le tribunal pourra réduire considérablement l’indemnité qui vous sera accordée. On juge généralement que trois à cinq demandes par semaine sont suffisantes pour démontrer que vous avez fait de sérieux efforts.
  • Si vous craignez qu’un ancien employeur vous fournisse de mauvaises références ou si on vous a effectivement donné de mauvaises références, consultez la section 9.7 du chapitre I, « Le certificat de travail et les références ».
  • N’hésitez pas à déposer une plainte auprès d’un organisme gouvernemental. Ces recours sont gratuits, ils vous offrent généralement une protection en cas de représailles de votre employeur et permettent généralement de résoudre assez rapidement le problème auquel vous faites face. Certains organismes vous fournissent même gratuitement une avocate ou un avocat pour vous représenter si vous devez défendre votre cause devant le tribunal.
  • Vérifiez bien les délais car, si vous attendez trop, vous pourriez perdre toute possibilité de recours !
  • Si vous croyez pouvoir exercer un recours mais qu’un organisme gouvernemental refuse de prendre votre plainte ou la juge irrecevable, faites une seconde vérification auprès de cet organisme ou contactez sans délai un groupe d’appui. Vous pouvez également tenter de déposer votre plainte par écrit. Expliquez toutefois la situation en indiquant la date de la première démarche et le nom de la personne à qui vous avez parlé.
  • Si un organisme gouvernemental juge votre plainte irrecevable ou non fondée, sachez que vous pouvez généralement faire une demande de révision. Informez-vous des délais et de la façon de procéder auprès de cet organisme. Vérifiez également s’il ne serait pas possible d’exercer un recours auprès d’un autre organisme gouvernemental ou de poursuivre votre employeur devant la Division des petites créances ou un autre tribunal de droit commun.
  • Si vous avez peur de représailles de la part de votre employeur, sachez que certaines plaintes peuvent être déposées et traitées de façon confidentielle. Demandez comment procéder à l’organisme gouvernemental auprès duquel vous exercez votre recours.
  • Préparez par écrit une preuve et une argumentation pertinentes qui s’appuient sur des faits plutôt que sur des impressions : compte rendu des heures travaillées, dates où vous avez fait des heures supplémentaires, date du dernier congé annuel, liste des témoins avec leurs coordonnées, etc.
  • Retrouvez et identifiez tous les documents pertinents : horaires de travail, bulletins de paye, lettres transmises ou reçues de l'employeur, etc. Faites-en des copies et annexez-les à votre plainte.
  • Calculez séparément et distinguez bien chacun des montants réclamés, afin que votre demande soit la plus claire possible.
  • Contactez rapidement l'organisme gouvernemental pour indiquer tout montant ou toute infraction à ajouter à votre plainte, ou pour l’aviser des corrections à apporter, s’il y a lieu.
  • Si vous hésitez sur le nom exact de votre employeur, vérifiez sur votre talon de chèque pour toute la période visée. Si le nom n’est pas toujours le même, c'est peut-être qu'il y a eu vente de l'entreprise, même si celle-ci n'a jamais cessé ses opérations. N'hésitez jamais à inscrire le nom de tous les employeurs potentiels, anciens ou nouveaux, sur votre formulaire de plainte. En inscrire un de trop ne vous nuira pas alors qu'une omission le pourrait.
  • Conservez toujours une copie de votre plainte. Vous pourrez ainsi prouver vos démarches, permettre à votre plainte d'être encore valide même si on l’a égarée ou la faire corriger en cas d’erreur. De plus, ce document pourrait vous être utile si vous faites d'autres démarches (ex : la preuve qu'une plainte contre un congédiement a été déposée peut parfois être utile pour obtenir des prestations de l'assurance-emploi ou de la sécurité du revenu).
  • Demandez le numéro de votre dossier afin de pouvoir suivre l’évolution de votre plainte.
  • Fournissez rapidement toutes les informations qui vous seront demandées. Si vous devez fournir des documents additionnels à la personne responsable de votre dossier, transmettez-les par courrier recommandé en demandant une confirmation de la livraison et gardez-en toujours des copies.
  • Conservez une copie de toute correspondance reçue concernant votre dossier.
  • Prenez des notes détaillées de tous les échanges téléphoniques relatifs à votre dossier (nom et numéro de téléphone de la personne responsable de votre dossier, dates des appels, résumé des échanges, informations transmises, etc.).
  • Lorsque vous envoyez des documents par la poste, faites-le toujours par courrier recommandé en demandant une confirmation de la livraison. Vous ne pourrez pas obtenir une livraison avec signature car la plupart des organismes gouvernementaux refusent de signer. Si vous voulez plus que la confirmation de la livraison, vous devrez aller porter les documents vous-même et demander à l’organisme d’apposer un timbre sur votre photocopie de ces documents.
  • Contactez périodiquement la personne en charge de votre dossier pour savoir où il en est.
  • Si vous déménagez au cours des procédures, signalez-le rapidement.
  • Lisez attentivement et dans les plus brefs délais toute lettre ou document reçu de l’organisme gouvernemental. Lorsqu’on vous demande de signer un formulaire et de le retourner dans un temps donné, agissez rapidement afin de vous assurer que tous les délais soient respectés. Si vous ne comprenez pas ce qui vous est demandé, renseignez-vous auprès de l’organisme concerné ou auprès d’un groupe d’appui.
  • Si le traitement de votre plainte ne vous donne pas satisfaction, parlez-en avec la personne en charge de votre dossier. Si cela ne règle pas le problème, renseignez-vous auprès du service à la clientèle, du bureau des plaintes internes ou de l’ombudsman, selon le cas, de l’organisme concerné, ou encore demandez l’intervention du Protecteur du citoyen.
  • Sauf exception, vous avez le droit de consulter tout dossier constitué à votre sujet par tout organisme gouvernemental. Si on vous refuse ce droit, vous pouvez vous adresser à la Commission d’accès à l’information.
  • Déposez autant de plaintes qu’il vous est possible de le faire. Vous pouvez en effet déposer plusieurs plaintes auprès d’un même organisme ou auprès d’organismes différents. Cela augmentera votre poids de négociation face à votre employeur. Vous devrez toutefois éventuellement choisir parmi ces recours. Consultez une avocate ou un avocat qui vous dira lequel ou lesquels vous avantagent le plus.
  • Assurez-vous de bien comprendre le processus de traitement de votre plainte ainsi que les réparations que vous pouvez obtenir (fin du comportement illégal de la part de votre employeur, compensation financière, etc.). Informez-vous auprès de l’organisme gouvernemental concerné ou d’un groupe d’appui tel Au bas de l’échelle. Cette démarche vous permettra non seulement de savoir à quoi vous attendre si vous vous rendez devant le tribunal, mais cela vous aidera également à tracer les limites de ce que vous devriez accepter si votre employeur est prêt à négocier une entente à l’amiable avec vous.
  • Si vous négociez une entente à l’amiable avec votre employeur, ce que vous pouvez faire à n’importe quelle étape du traitement de votre plainte, il est primordial d’être bien préparé : sachez ce à quoi la loi vous donne droit et ce que vous voulez demander à votre employeur. Calme et politesse sont de mise, mais demeurez ferme. S’il vous fait une offre de règlement, exigez quelques jours de réflexion et, si possible, consultez une avocate ou un avocat.