Vos droits au travail
La syndicalisation

Malheureusement, être travailleuse ou travailleur non syndiqué.e, ce n’est pas de tout repos! C’est souvent avoir bien peu de recours contre les agissements arbitraires, n'avoir aucun congé de maladie payé, aucune description de tâche, aucune reconnaissance de son ancienneté, un bas salaire et des conditions de travail précaires. Au Québec, des millions de travailleuses et de travailleurs non syndiqué.e.s ont pour seules et uniques protections celles prévues par les lois d’ordre public, comme:

Plusieurs personnes non syndiquées, dont vous faites peut-être partie, tentent individuellement, avec beaucoup de courage, de se faire respecter par leur employeur. Malheureusement, il est souvent très difficile, voire périlleux, d’agir seul ! Pour améliorer ses conditions de travail, il faut se regrouper. Le meilleur moyen de le faire c’est encore de se donner un syndicat afin de pouvoir négocier une convention collective avec l’employeur. Un syndicat, c’est un instrument que se donnent les travailleuses et travailleurs pour défendre leurs intérêts avec plus de force et ainsi améliorer leurs conditions de travail.

Les codes du travail adoptés par les gouvernements fédéral et provincial précisent la procédure à suivre pour vous syndiquer et négocier une convention collective. C'est pourquoi il est indispensable de bien déterminer si l'entreprise pour laquelle vous travaillez est de compétence fédérale ou provinciale avant d'enclencher les procédures pour vous syndiquer. Si vous travaillez dans une entreprise de compétence fédérale, vous trouverez les règles qui en régissent la syndicalisation dans le Code canadien du travail. Cependant, l’interprétation de ces règles peut poser des problèmes. Avant d’entreprendre des procédures, consultez le Conseil canadien des relations industrielles. Bien que différents à certains égards, ces codes sont fondés sur une liberté fondamentale : la liberté d’association.

Certaines personnes salariées sont également assujetties à un régime particulier, comme celui de l’industrie de la construction ou des secteurs public et parapublic.

Certains employeurs ont recours à des agences de placement pour éviter la syndicalisation de leur établissement ou pour contourner l’application d’une convention collective. Or, sachez qu’il est aussi possible pour les travailleuses et travailleurs d’agence de faire partie de la même unité et de se voir accorder les mêmes conditions de travail que les personnes qui ont été embauchées directement par l’entreprise-cliente (voir 2. « Les conditions à remplir »).

Dans ce chapitre, nous étudierions plus en détail les règles et recours applicables aux personnes salariées assujetties au Code du travail du Québec.

Si, comme la très grande majorité des travailleuses et travailleurs québécois, vous travaillez dans une entreprise ou un organisme de compétence provinciale, c’est dans le Code du travail du Québec que vous trouverez les règles et les procédures pertinentes à l’exercice du droit de se syndiquer.

Pour être syndiqué au Québec, il faut répondre à la définition de salarié que l’on retrouve dans cette loi. Essentiellement, vous devez recevoir une rémunération d’un employeur, peu importe que vous travailliez à temps plein, à temps partiel, à titre occasionnel ou surnuméraire, etc. (art. 3). Cependant, vous ne pourrez pas vous syndiquer si vous êtes une personne représentant votre employeur, c’est-à-dire si vous détenez les pouvoirs d’engager, de congédier, de recommander l’embauche ou le congédiement de membres du personnel ou d’imposer des mesures disciplinaires. Ainsi, un poste de contremaître ou de cadre pourrait vous exclure du processus de syndicalisation (art. 1.l).

La syndicalisation des travailleuses et des travailleurs d’agence est un cas particulier puisqu’ils sont impliqués dans une relation à trois avec l’agence et l’entreprise-cliente. Il faut d’abord déterminer qui, de l’entreprise-cliente ou de l’agence, est leur véritable employeur, ce qui n’est pas toujours facile à faire. Il y a plusieurs critères qui sont appliqués par les tribunaux pour trancher cette question complexe (voir la section 7.1 du chapitre I, « L’identification de l’employeur »). Puisque l’analyse menant à l’identification de l’employeur prend en compte la relation entre la travailleuse ou le travailleur, l’agence et une entreprise-cliente particulière, il faudra refaire l’exercice si la travailleuse ou le travailleur entreprend une affectation chez une nouvelle entreprise-cliente.

Notez que les parties (par exemple, l’entreprise-cliente et l’agence) ne peuvent pas conclure une entente pour décider qui doit être considéré comme l’employeur : le statut d’employeur ne se négocie pas. Le Code du travail étant une loi d’ordre public, il prime sur toute entente qui lui est contraire.

Les personnes placées par l’agence peuvent se syndiquer et faire partie d’une unité qui sera appelée à négocier leurs conditions de travail, soit avec l’agence, soit avec l’entreprise-cliente.

Si l’agence est reconnue comme étant leur véritable employeur, les travailleuses et travailleurs d’agence peuvent se regrouper pour négocier leurs conditions de travail avec l’agence. C’est généralement le cas, par exemple, des personnes qui travaillent pour une agence de sécurité. Elles peuvent donc faire partie de la même unité et ce, peu importe dans quelle entreprise-cliente elles sont actuellement placées. La syndicalisation des personnes placées par des agences représente souvent un défi pour les syndicats puisqu’elles travaillent dans des lieux différents, ne se connaissent souvent pas entre elles et qu’elles sont particulièrement difficiles à rejoindre.

Si c’est l’entreprise-cliente, et non l’agence, qui est leur véritable employeur, les personnes placées par l’agence peuvent alors peut-être se voir appliquer les mêmes conditions de travail que les travailleuses et travailleurs qui ont été embauchés directement par l’entreprise-cliente.

*ATTENTION: si une agence vous place dans une entreprise-cliente où il y a un syndicat, vérifiez avec le syndicat si la convention collective peut s’appliquer à votre cas.

Pour celles et ceux qui ne savent pas qui, de l’agence ou de l’entreprise-cliente, est leur employeur, il y a trois moyens que peut prendre un syndicat pour faire trancher la question:

  1. dans le cadre d’une requête en accréditation;
  2. par le dépôt d’une requête en interprétation;
  3. par un grief.

En terminant, sachez que l’agence (ou l’entreprise-cliente) peut être considérée comme votre employeur aux fins du Code du travail sans que ce soit également le cas en vertu d’autres lois. En effet, chaque loi a sa définition de ce qu’est une personne salariée et a une finalité qui lui est propre. L’agence pourrait donc être votre employeur en vertu d’une loi et l’entreprise-cliente pourrait l’être en vertu d’une autre...

Le droit de se syndiquer est protégé par le Code du travail du Québec qui interdit à un employeur ou aux personnes qui le représentent de chercher à dominer, à entraver, à participer ou à financer la formation ou les activités d’un syndicat (art. 12). Il est aussi interdit à un employeur d’utiliser la menace ou l’intimidation pour vous empêcher d’être membre d’un syndicat ou pour vous obliger à vous abstenir ou à cesser d’exercer des activités syndicales (art. 13). Si une travailleuse ou un travailleur croit avoir été victime de mesures de représailles à cause d’activités syndicales, le Code du travail lui donne le droit de déposer une plainte contre son employeur (art. 14) et ce, même si le syndicat n’est pas encore accrédité (voir la section 5.3 « Les recours en cas de représailles de votre employeur »).

Si vous et quelques collègues de travail, en qui vous avez confiance, voulez prendre l’initiative de former un syndicat dans votre entreprise, vous devez faire preuve d’une grande discrétion. Il vous faut d’abord aller chercher de l’information et de l’aide auprès d’une centrale syndicale ou d’un syndicat pour vous donner toutes les chances de réussite de vos démarches et, également, pour mieux vous protéger contre les réactions possibles de votre employeur. Certains employeurs sont en effet passés maîtres dans l’art de briser les campagnes de syndicalisation; l’appui d’une organisation syndicale vous sera assurément précieux. La présence d’une organisatrice ou d’un organisateur syndical d’expérience augmente vos chances de bien planifier vos stratégies et de franchir avec succès toutes les étapes de mise en place d’un syndicat.

Pour déterminer quel syndicat ou quelle centrale syndicale vous convient le mieux, vous pouvez faire une enquête sur les syndicats présents dans le secteur où vous travaillez. Il est bon de vérifier aussi la satisfaction des personnes déjà syndiquées à l’égard des services d’organisation syndicale, le montant de la cotisation syndicale et les allocations versées en cas de grève, etc.

Un syndicat est une association accréditée de travailleuses et travailleurs qui a pour objectif de négocier une convention collective afin d’améliorer les conditions de travail de ses membres, de défendre leurs droits et intérêts et de les représenter en cas de litige. D’un point de vue juridique, un employeur n’est pas tenu de reconnaître un regroupement informel de travailleuses et travailleurs. Pour obliger votre employeur à reconnaître et à négocier de bonne foi la signature d’une convention collective avec votre syndicat, ce dernier doit tout d’abord exister à titre d’association, puis ensuite être accrédité. Pour cela, une demande doit être faite conformément au Code du travail du Québec. Une fois l’accréditation obtenue, le syndicat dispose du droit de représenter l’ensemble des travailleuses et travailleurs de l’entreprise, actuels et futurs, couverts par son certificat d’accréditation.

Un syndicat peut représenter l’ensemble des personnes salariées d’une entreprise ou seulement une partie de celles-ci. Lorsqu’on forme un syndicat, il faut donc déterminer quel groupe de personnes on désire représenter. Ce groupe doit constituer une « unité de négociation » représentative (art. 28). Chaque cas est particulier, mais comme principe de base, disons qu’il faut chercher à regrouper des personnes ayant des intérêts communs sur la base la plus large possible afin d’accroître le pouvoir de représentation du syndicat.

Une fois l’unité d’accréditation choisie, les travailleuses et les travailleurs qui en font partie doivent signer des cartes d’adhésion au syndicat. Chaque personne salariée intéressée doit signer cette carte, volontairement et lisiblement (en dehors de ses heures de travail), en y inscrivant la date, et payer elle-même un droit d’entrée égal ou supérieur au montant fixé par règlement, actuellement de 2 $ (art. 36.1 et règlements). La carte d’adhésion doit indiquer clairement le nom exact du syndicat. Le Code du travail du Québec interdit la sollicitation de nouveaux membres pendant les heures de travail (art. 5). Cependant, il est possible de faire signer des cartes d’adhésion durant les pauses et les heures de repas. La discrétion s’impose tout de même, car si l’employeur est au courant des démarches de syndicalisation avant le dépôt de la demande au Tribunal administratif du travail (TAT), il cherchera peut-être à nuire à la formation du syndicat.

Pour être en mesure de déposer une requête en accréditation, l’association doit idéalement avoir fait signer plus de la moitié des personnes salariées qu’elle désire représenter chez son employeur. La requête en accréditation peut quand même être déposée si entre 35 % et 50 % des personnes salariées visées ont signé une carte d’adhésion. Dans ce cas cependant, un vote sera ordonné (art. 28 (b)).

Le TAT transmet une copie de la requête à l’employeur qui doit l’afficher immédiatement. Il doit également, dans les cinq jours, afficher dans un endroit bien en vue la liste complète des noms et des postes des personnes visées par la demande. Dès qu’une demande d’accréditation est déposée, l’employeur ne peut modifier les conditions habituelles de travail (comme le salaire, les horaires, les tâches, etc.) sans le consentement écrit du syndicat (art. 59). S’il le fait, on peut alors déposer une plainte contestant la ou les modifications.

Si le syndicat regroupe la majorité absolue des personnes de l’unité de négociation et si l’employeur et le syndicat reconnaissent l’unité de négociation et les personnes qui en font partie, l’accréditation est accordée sur-le-champ (art. 28 (a)). Par contre, le TAT pourrait être appelée à tenir une audition si un désaccord survient sur la description de l’unité de négociation, sur les personnes qu’elle vise, sur le statut de salarié de ces personnes ou sur le caractère représentatif de l’association. Malgré ces contestations, le TAT peut accréditer l’association et convoquer les parties par la suite pour entendre le litige qui les oppose.

Vous avez des recours (art. 15 à 20) si vous exercez votre droit à la syndicalisation et que votre employeur applique à votre égard des mesures discriminatoires, exerce des représailles contre vous, vous impose d’autres sanctions telles que :

  • une surcharge de travail;
  • une modification de l’horaire de travail;
  • l’annulation d’une augmentation de salaire prévue;
  • un ou des avis disciplinaires;
  • une ou des coupures de salaire;
  • la non-reconnaissance de l’ancienneté;
  • le congédiement.

En effet, si vous croyez avoir été victime de telles mesures, vous avez alors 30 jours pour déposer une plainte écrite au TAT. Cependant, dans un tel cas, il est préférable d’obtenir de l’aide du syndicat qui pourrait vous représenter devant le TAT. Vérifiez auprès du syndicat pour savoir si cette aide est possible, ce qui est habituellement le cas. De plus, sachez qu’en cas de représailles de votre employeur, vous bénéficiez peut-être d’une protection en vertu de la Loi sur les normes du travail (voir la section 11 du chapitre I, « Les plaintes à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail »).

Une fois l'unité de négociation accréditée, les travailleuses et travailleurs qui en font partie deviennent syndiqués. Le syndicat aura alors à négocier sa première convention collective.
Les travailleuses et les travailleurs syndiqués doivent payer la cotisation syndicale, qu'ils soient membres ou non du syndicat. En contre-partie, celui-ci doit les représenter auprès de l'employeur et défendre leurs droits. Les personnes qui ne sont pas membres du syndicat ne peuvent pas participer à sa vie associative, ce qui veut dire, par exemple, qu'elles ne peuvent pas voter lors de l'élection de l'exécutif syndical.

Un grief est une plainte déposée par une personne contre son employeur, parce que ce dernier n’a pas respecté les conditions prévues par la convention collective. Par exemple, si vous êtes victime d’une sanction de la part de l’employeur et que vous la jugez injuste, consultez votre déléguée ou délégué syndical pour vérifier si vous pouvez la contester. Si c’est le cas, votre syndicat devrait normalement déposer un grief dans les délais prévus à la convention collective, qui sont généralement de 30 jours suivant l’événement, mais vous pourriez aussi le faire vous-même si la convention collective le prévoit.

Cependant, il peut arriver que vous n’ayez pas droit au grief, par exemple, si la convention collective n’est pas encore en vigueur, ou encore si vous êtes en période de probation selon les critères prévus à la convention collective. Dans ce dernier cas, certaines conventions collectives prévoient explicitement que vous n’aurez pas le droit de déposer un grief en cas de congédiement. Cependant, si vous croyez qu’il s’agit d’un congédiement fondé sur un motif de discrimination prohibé par la Charte des droits et libertés de la personne, alors vous pourriez malgré tout déposer un grief pour contester ce congédiement (voir le chapitre III « Les droits et libertés de la personne »). Il est peut-être possible de déposer aussi un grief pour contester un congédiement suite à l’exercice d’un droit prévu dans le Code du travail ou une autre loi d’ordre public.

Vous devez savoir que les personnes syndiquées bénéficient de protection en vertu d’autres lois. En effet, la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur les normes du travail (LNT) sont quelques exemples de lois d’ordre public auxquelles un employeur ne peut pas se soustraire. Vérifiez auprès de votre syndicat pour savoir quelles démarches vous devez entreprendre et s’il peut vous aider. En cas de doute toutefois, déposez des plaintes auprès de toutes les instances.

Dans le cas où le syndicat refuse de déposer un grief ou de vous représenter, vérifiez si vous pouvez vous prévaloir d’autres recours prévus dans les lois concernées. Apportez alors, dans la mesure du possible, une preuve de votre demande de grief ainsi que de la réponse négative du syndicat.
Il est aussi possible que certaines dispositions, tels le régime d’assurance collective ou le régime de retraite, ne soient pas intégrées à la convention collective. Dans un tel cas, un arbitre de grief n’aurait pas la compétence pour intervenir et certaines procédures spécifiques autres que celles du grief seront alors nécessaires (ex : action civile contre l’assureur).

Pour en savoir davantage sur le véhicule approprié – le dépôt d’un grief contre votre employeur par votre syndicat ou le dépôt d’une plainte à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail – consultez la sous-section 11.1 E) du chapitre I, « Quand votre employeur est couvert par une convention collective ou un décret ».

Le Code du travail du Québec crée des obligations au syndicat envers chaque personne couverte par son certificat d’accréditation, que cette personne soit membre ou non du syndicat. Ainsi, votre syndicat ne doit pas agir de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi à votre égard. Il ne doit pas non plus faire preuve de négligence grave (art. 47.2). S’il vous semble que votre syndicat agit de cette manière avec vous dans le traitement de votre dossier, nous vous suggérons de demander une rencontre avec l’exécutif ou avec les officières ou officiers de votre syndicat afin d’exposer votre point de vue. Vous pouvez aussi en discuter avec les conseillères ou conseillers de votre syndicat.

Si, après toutes ces démarches, vous continuez à penser que votre syndicat ne remplit pas ses obligations envers vous, vous pouvez transmettre une plainte écrite au Tribunal administratif du travail (TAT) dans les six mois qui suivent l’événement. Le TAT tiendra une audience au cours de laquelle vous devrez prouver par des faits que votre syndicat a fait preuve de négligence, de mauvaise foi ou de discrimination dans la négociation ou l’application de la convention collective. Si vous obtenez gain de cause, le TAT peut vous autoriser à soumettre une réclamation à un arbitre comme s’il s’agissait d’un grief (art. 47.5). La CRT pourra ordonner au syndicat de payer les frais encourus.

Il est préférable de consulter une avocate ou un avocat avant d’entreprendre de telles démarches ! Dans la mesure du possible, ayez en main des preuves écrites du refus du syndicat de déposer votre grief ou de vous représenter. Enfin, il faut également savoir que les décisions du TAT sont finales et sans appel (art. 134).