Vos droits au travail
Le Code civil du Québec et le travail

Lorsqu’il s’agit de faire une réclamation en vertu du Code civil du Québec (CCQ), la question est généralement tranchée devant les tribunaux de droit commun. Plusieurs expressions peuvent être utilisées pour désigner l’ensemble de ces tribunaux: tribunaux de droit commun, tribunaux civils ou encore tribunaux ordinaires. Nous utiliserons dans cette section l’expression « tribunaux de droit commun » pour parler des différentes cours identifiées dans la liste ci-dessous.

Au Québec, en général, c'est le montant d’argent réclamé qui détermine l'instance devant laquelle vous pouvez poursuivre votre employeur. Le tribunal compétent est généralement l’un des suivants:

  • Cour du Québec, Division des petites créances (réclamations de 15 000 $ et moins);
  • Cour du Québec, Chambre civile (réclamations de moins de 70 000 $);
  • Cour supérieure du Québec (réclamations de 70 000 $ et plus);
  • Cour d’appel du Québec (pour en appeler des jugements de la Cour du Québec et de la Cour supérieure du Québec);
  • Cour suprême du Canada (pour en appeler des jugements de la Cour d’appel du Québec).

Vous pouvez, en principe, intenter une poursuite civile contre votre employeur devant les tribunaux de droit commun. Par exemple, cette situation pourrait survenir si:

  • vous jugez insuffisant l’avis de cessation d’emploi de votre employeur;
  • aucun motif sérieux n’a justifié votre congédiement et vous n’êtes pas admissible à un recours selon la Loi sur les normes du travail (LNT);
  • votre employeur ne respecte pas votre contrat de travail ou l’entente verbale qu’il a avec vous;
  • votre employeur, un.e collègue ou un tiers a porté atteinte à votre dignité ou votre réputation.

Si vous êtes véritablement une travailleuse ou un travailleur autonome et que vous faites donc partie des exclusions de la LNT (voir « Les inclusions et les exclusions »), vous pouvez aussi intenter une poursuite contre un.e client.e si cette personne refuse de vous verser la rémunération convenue pour le travail effectué.

Nous vous présenterons dans ce chapitre quelques notions de base des articles du Code civil du Québec. Ces notions pourraient vous être utiles si vous envisagez d’entreprendre des poursuites devant les tribunaux de droit commun. Nous vous conseillons fortement de vous faire assister par une avocate ou un avocat, sauf devant la Division des petites créances où leur présence est généralement interdite (voir la section 4 de ce chapitre, « La Division des petites créances »).

*ATTENTION: vérifiez si vous bénéficiez d’une couverture par les recours prévus dans la LNT (voir « Les plaintes à la CNESST »). Cette loi vous offre entre autres  une protection contre le congédiement et oblige l’employeur à vous donner un préavis s’il met fin à votre emploi. Ces recours sont gratuits et peuvent, dans certains cas, vous permettre d’obtenir la réintégration en emploi après un congédiement, ce que les tribunaux de droit commun n'accordent généralement pas. Ces recours vous donnent droit à l’assistance de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) ainsi qu'aux services gratuits d’un.e avocat.e.

Le contrat de travail est une entente par laquelle une personne (la salariée ou le salarié) s’engage à travailler pour une autre personne (l’employeur) sous sa direction et moyennant un salaire (art. 2085).

La particularité du contrat de travail est que l’employeur détient un pouvoir de contrôle et de direction sur la personne qu'il embauche, ce qu'on appelle un lien de subordination. En l’absence de ce lien, on parlera alors de contrat de service ou de contrat d’entreprise, et la personne embauchée sera probablement désignée comme une travailleuse ou un travailleur autonome (voir « Les inclusions et les exclusions »). Cela ne l'empêchera pas cependant de faire valoir ses droits devant les tribunaux de droit commun.

*ATTENTION: si c'est votre cas, la présente section (2) ne vous concerne pas. Consultez plutôt les sections 3 et 4 un peu plus bas. Notez que certaines lois particulières peuvent définir la personne salariée de façons différentes.

Ce contrat peut être verbal ou écrit. Aussi, il est possible que les conditions de travail les plus importantes (par exemple: salaire, horaire de travail, description de tâches, vacances, etc.) soient prévues par écrit et que les moins importantes soient expliquées verbalement.

On parle d’un contrat à durée déterminée quand le moment où il prendra fin est fixé à l’avance. Il s’agit d’un contrat de travail qui se termine:

  • à une date fixée à l’avance (par exemple: le contrat d'une vendeuse ou d'un vendeur engagé.e pour le temps des fêtes, soit du 1er décembre au 5 janvier, se terminera le 5 janvier);
  • au moment où l’événement prévu se concrétise (par exemple: le contrat d’une personne qui remplace une travailleuse en congé de maternité prendra fin dès le retour de cette employée, même si la date ne peut être fixée à l’avance avec précision en raison du droit de cette travailleuse de revenir plus tôt ou plus tard que prévu);
  • une fois le travail complété (par exemple: le contrat d’un.e secrétaire à la pige se terminera lorsque son mandat d’entrée de données sera accompli).

Lorsque le moment auquel prendra fin le contrat n’est pas fixé à l’avance, on parle alors d’un contrat à durée indéterminée. L’employeur ou la personne salariée peuvent y mettre fin en donnant à l’autre partie un délai de congé (art. 2091). Le contrat à durée indéterminée est le type de contrat que l’on retrouve le plus souvent sur le marché du travail.

Pour savoir si le contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée, on peut naturellement se référer aux termes utilisés dans le contrat. Par contre, on ne doit pas se limiter à ça. Il faut aussi regarder plusieurs autres éléments, par exemple, si le contrat a été renouvelé à plusieurs reprises. Notez qu’un contrat est présumé à durée indéterminée à moins que l’employeur puisse prouver le contraire. En cas de doute sur la nature du contrat, il est toutefois préférable de communiquer avec la CNESST ou un.e avocat.e.

Le CCQ prévoit des obligations tant pour la personne salariée que pour son employeur.

La personne salariée a comme première obligation d’exécuter le travail (art. 2088) selon les règles de conduite et les directives de l’employeur, mais ce n’est pas tout. Si elle s’est engagée pour une durée déterminée, elle doit respecter son engagement jusqu’à l’échéance, à moins d’avoir un motif sérieux de le briser (voir la section 2.3 de ce chapitre, « La fin du contrat à durée déterminée »). Elle peut toutefois mettre fin à un contrat à durée indéterminée en donnant tout simplement un délai de congé (ou préavis) d’une durée raisonnable (voir la section 2.4, « La fin du contrat à durée indéterminée »).

La personne salarié doit être assidue (se présenter chaque jour) et ponctuelle (arriver à l’heure prévue) au travail. À moins d’avoir l’autorisation de son employeur ou d’avoir un motif raisonnable prévu par la Loi sur les normes du travail (des obligations parentales, la maladie, un accident, etc.), elle doit se présenter au travail selon l’horaire convenu et à l’heure prévue.

Elle a aussi une obligation de loyauté envers son employeur. De plus, elle ne peut pas faire usage d’informations confidentielles obtenues lors de l’exécution de son travail (art. 2088). Les obligations de loyauté et de non-utilisation d’informations confidentielles demeurent, même après la fin du contrat de travail, et ce, durant un « délai raisonnable ». Par exemple, une employée ou un employé ne peut, pendant ce délai, utiliser à son bénéfice la liste de la clientèle de son ex-employeur. La durée de ce délai n’est pas déterminée par la loi; tout dépend des circonstances et du type d’emploi.

L’employée ou l’employé doit également éviter de porter atteinte à la réputation de son employeur, même en dehors de ses heures de travail, par exemple en le critiquant sur un blogue ou dans un courriel. De plus, compte tenu que plusieurs personnes ont accès à des informations qui concernent la réputation ou la vie privée d’autres personnes dans le cadre de leur emploi (par exemple, la ou le secrétaire d’une clinique médicale peut avoir accès au dossier médical de la clientèle), il est important de savoir que l’obligation de ne pas faire usage de quelque information que ce soit concernant la vie privée ou la réputation d’autrui continue de s’appliquer indéfiniment après la fin de l’emploi.

Dans un même ordre d’idées, la personne salariée doit obéir aux demandes de son employeur quant à la façon d’accomplir le travail. Les directives de l’employeur peuvent être prévues par des règlements d’entreprise ou être formulées verbalement par le supérieur. À moins que les demandes de l’employeur soient abusives ou qu’elles portent réellement atteinte à la dignité de la personne salariée, elle doit y obéir, même si elles ne lui plaisent pas. En d’autres mots, le travail doit être exécuté de la façon indiquée par l’employeur. En cas de non-respect de cette obligation, l’employeur pourrait imposer des sanctions à la personne salariée (avis verbal ou écrit, suspension, congédiement…) pour cause d’insubordination.

Certaines personnes ont des contrats de travail qui prévoient des clauses spécifiques concernant les obligations de l’employé (clauses de non-concurrence, de remboursement des frais de formation), ou encore des clauses relatives aux conditions de travail, par exemple des horaires spécifiques ou l’utilisation d’un véhicule, etc.

Certaines de ces clauses, notamment les clauses de non-concurrence et de remboursement des frais de formation, peuvent être invalidées dans le cadre d’un recours civil, car jugées abusives, quoique ces recours pourraient s’avérer dispendieux.

Clause de non-concurrence
La clause de non-concurrence est une clause prévoyant que, même après la fin de votre contrat de travail, vous ne pouvez, pendant un certain temps, ni faire concurrence à cet employeur ni travailler pour une entreprise concurrente. Pour que cette clause soit valide, il faut qu’elle soit écrite et limitée quant à sa durée, au territoire couvert et au genre de travail (art. 2089). Cette clause doit respecter, d’une part, le droit de l’employeur de protéger ses intérêts commerciaux légitimes et d’autre part, le droit de la personne salariée de gagner sa vie dans son domaine. Dans l’évaluation de la validité de la clause, le tribunal prendra en considération plusieurs éléments tels le poste occupé par la personne salariée, l’importance de son poste, la durée de son lien d’emploi, l’ascendant qu’elle a pu développer sur la clientèle et sur les partenaires d’affaires de l’employeur et les circonstances dans lesquelles elle a commencé son emploi. Naturellement, une clause de non-concurrence qui aurait une portée tellement large qu’elle empêcherait complètement une personne de travailler pour gagner sa vie serait illégale.

**Exemple : Valérie travaille pour l’entreprise Ménage Plus qui fait de l’entretien ménager dans des commerces et chez des particuliers. Son contrat d’emploi prévoit qu’elle ne peut pas travailler pour son propre compte à un endroit où elle a travaillé pour Ménage Plus pendant toute la durée de son contrat, ainsi que pendant les deux années qui suivent la fin de son contrat. Elle ne peut pas non plus solliciter ou signer tout contrat d’engagement visant à exercer et à remplir les mêmes fonctions chez des clients de son employeur pendant cette même période. Après la fin de son lien d’emploi avec Ménage Plus, Valérie décide de créer sa propre entreprise. Quelques-uns des anciens clients de Ménage Plus décident, sans qu’elle les ait sollicités, de quitter Ménage Plus pour devenir clients de Valérie. Ménage Plus poursuit alors Valérie en vertu de la clause de non-concurrence prévue à son contrat.

Le tribunal estime que cette clause est abusive parce que l’ampleur et la durée des obligations de non-concurrence qui y sont contenues sont disproportionnées par rapport à l’emploi occupé par Valérie. D’une part, sa durée est trop longue. En effet, une personne qui travaille dans l’entretien ménager, un domaine qui ne requiert pas une grande spécialisation, doit pouvoir y gagner sa vie sans avoir à subir une contrainte injustifiée sur le plan de la non-concurrence pour une longue période. D’autre part, le tribunal juge cette clause exagérée en raison de l’ampleur de l’interdiction qui est faite à Valérie: pendant deux ans après avoir quitté l’entreprise, elle ne peut ni solliciter ni travailler, peu importe le motif, chez d’anciens ou de nouveaux clients de Ménage Plus. Le tribunal invalide donc cette clause du contrat.

Dans l’éventualité où votre ancien employeur déciderait de vous poursuivre en vertu d’une clause de non-concurrence, sachez que ce sera à lui de prouver que la clause est valide et qu’il vous serait possible de demander son annulation par le tribunal si vous croyez qu’elle est abusive. Notez toutefois que si votre employeur a résilié votre contrat sans motif sérieux, il ne peut se prévaloir d’une clause de non-concurrence (art. 2095).

Si vous devez signer un nouveau contrat dans lequel se trouve une clause de non-concurrence, il vaudrait mieux vous informer auprès d’une avocate ou d’un avocat avant de signer afin de vérifier si la clause est abusive. Sachez cependant que, même si la clause de non-concurrence est déclarée invalide et même si vous n’avez pas signé une telle clause, vous êtes tenu à une obligation de loyauté après la fin de votre emploi (on appelle cela la « survivance de l’obligation de loyauté »).

Portez une attention particulière à votre contrat si vous travaillez pour une agence de placement temporaire (voir la section 7 du chapitre I, « Les travailleuses et les travailleurs d’agence de placement temporaire » ). Il est de plus en plus courant d’y retrouver des clauses qui vous interdisent de vous faire embaucher par une entreprise pour laquelle vous avez déjà travaillé, ainsi que pour un client actuel ou même potentiel de l’agence. Certaines de ces clauses, comme nous l’avons vu dans l’exemple ci-haut, peuvent être abusives.

Clause de remboursement de frais de formation
Certains employeurs, souvent des agences de placement temporaire, font signer des clauses de remboursement des frais de formation qui stipulent que la personne doit travailler un nombre minimum d’heures après avoir été formée, sans quoi elle devra rembourser les frais de formation. Ces clauses peuvent être déclarées abusives (ou illégales) dans certaines circonstances. Évitez de signer de telles clauses ou, si vous n’avez pas le choix, assurez-vous que cette clause est accompagnée de l’obligation pour l’employeur de vous fournir un nombre minimum d’heures de travail. Si on vous réclame des frais de formation, appelez Au bas de l’échelle ou consultez une ou un avocat avant de payer.

L’employeur, pour sa part, doit payer le salaire convenu et permettre l’exécution du travail.

De façon générale, un employeur peut mettre fin à un contrat de travail à durée indéterminée en donnant à la personne salariée un délai de congé raisonnable. Il n’a toutefois pas à en donner un s’il a un motif sérieux de mettre fin à l’emploi. Dans le cas d’un contrat à durée déterminée, l’employeur doit le respecter jusqu’à son échéance, à moins d’avoir un motif sérieux d’y mettre fin. Pour en savoir davantage sur la fin du contrat de travail, consultez les sections 2.3 et 2.4 de ce chapitre.

**Attention! D’autres lois, comme la Loi sur les normes du travail, prévoient également des recours en cas de congédiement.
L’aliénation (la vente, la cession, le don, etc.) de l’entreprise ou sa fusion avec une autre entreprise n’entraîne pas la fin du contrat de travail (art. 2097).

Fait important, l’employeur a également l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité, mais aussi la dignité des personnes qu’il emploie (art. 2087). La dignité peut être atteinte par, entre autres, des insultes injustifiées et des accusations faites sans preuves sérieuses. L’employeur peut, dans certaines circonstances, être tenu responsable de tels gestes même s’ils ne sont pas commis par lui, mais plutôt par l’une ou l’un de ses subalternes ou même l’une ou l’un de vos collègues de travail. Si cette atteinte est grave ou répétée, il peut s’agir de harcèlement psychologique (voir la section 10 du chapitre I, « La plainte relative au harcèlement psychologique »).

Puisque le moment de la fin du contrat à durée déterminée est connu à l’avance par les parties, il n’est pas nécessaire, en principe, de donner à l’autre partie un délai de congé (ou préavis) lorsque le contrat se termine à la date prévue. Notez cependant que si, à la date d’échéance, vous continuez de travailler pendant 5 jours sans opposition de votre employeur, votre contrat de travail est alors reconduit, c’est-à-dire prolongé. De ce fait, il devient un contrat à durée indéterminée (art. 2090) et un délai de congé sera alors nécessaire pour y mettre fin. Quelle que soit la durée des interruptions entre les contrats, consultez la section 9 du chapitre I pour en savoir plus sur la fin d’emploi.

Ce n’est pas parce que le contrat est dit « à durée déterminée » que l’employeur ou la personne salariée ne peut pas y mettre fin avant son échéance. En effet, pour que l’employeur ou la personne salariée ne puisse pas mettre fin au contrat avant l’échéance, le contrat doit indiquer clairement qu’il ne pourra pas se terminer par la simple volonté des parties, ce qui est très rare.

Il y a en effet des situations particulières où un contrat à durée déterminée pourrait prendre fin avant son échéance sans que l’employeur ait à donner de délai de congé ou à dédommager la personne salariée pour la fin du contrat avant l’échéance, par exemple :

  • s’il y a un motif sérieux d’y mettre fin immédiatement. L’usage de la violence, le vol, la fraude, le conflit d’intérêts, la déloyauté et l’insubordination grave peuvent être considérés comme étant des motifs sérieux. De même, la répétition de fautes mineures, tels des retards répétés, pour lesquelles la personne salariée a reçu un ou des avertissements sérieux de la part de l’employeur, pourrait être associée à de l’insubordination justifiant un congédiement sur-le-champ, sans délai de congé. Par contre, une banale dispute, un conflit de personnalité ou de simples soupçons de malhonnêteté à l’endroit de la personne salariée ne peuvent le justifier.
  • si le contrat devient impossible à exécuter, pour cas de force majeure ou autrement, par exemple si l’entreprise est détruite par un incendie ou si la personne salariée décède (art. 1470 et 2093).

Toutefois, si votre employeur vous congédie sans motif sérieux avant le terme prévu, il vous est alors possible de le poursuivre pour un montant égal à la rémunération qui aurait dû vous être versée et aux avantages dont vous auriez dû bénéficier entre la date du congédiement et le moment prévu de la fin du contrat. Il vous faut toutefois tenir compte de votre obligation de minimiser vos dommages en ne tardant pas à vous chercher un nouveau travail et en conservant des preuves de vos démarches. La même règle s’applique à la personne salariée qui, sans motif sérieux, met fin au contrat plus tôt que prévu.

L’employeur pourrait alors lui réclamer les dommages causés par son départ hâtif, en autant qu’il puisse démontrer qu’il a réellement subi un préjudice et qu’il a cherché à le limiter (à mitiger ses dommages). Notez que de telles poursuites de la part de l’employeur sont relativement peu fréquentes et qu’elles ne se produisent généralement que dans les cas de démissions de cadres supérieurs ou de travailleuses ou de travailleurs très spécialisés que l’employeur ne peut pas facilement remplacer.

Finalement, vous pouvez mettre fin à un contrat à durée déterminée si votre employeur accepte que vous quittiez plus tôt ou sans préavis. Afin de vous protéger, demandez une entente écrite à cet effet.

Exemple : Roberto a été engagé à titre d’éducateur en garderie pour une période fixe de 18 semaines afin de remplacer une éducatrice absente pour un congé sans solde. Son employeur, invoquant un conflit de personnalité, le congédie sans préavis alors qu’il n’a complété que 8 des 18 semaines prévues. Roberto décide de réclamer auprès de son employeur le paiement des 10 semaines qu'il lui restait à couvrir selon son contrat, tout en entreprenant des démarches de recherche d’emploi qui ne porteront fruit que 16 semaines plus tard.

Roberto, qui avait conservé tous ses papiers, a été en mesure de faire la preuve devant le tribunal du bris de contrat et du sérieux de ses démarches de recherche d’emploi, même s’il lui a fallu 16 semaines pour trouver un nouveau travail. Quant à l’employeur, il n’a pas pu démontrer que le congédiement était fondé sur un motif sérieux. Le tribunal oblige donc ce dernier à verser à Roberto tout le salaire des 10 semaines qui étaient prévues au contrat.

Sachez aussi que certains contrats à durée déterminée prévoient spécifiquemement que les parties pourront y mettre fin avant le terme en donnant un préavis dont la durée est prévue au contrat. Dans ce cas, la personne salariée qui désire démissionner avant la fin du contrat devra respecter cette clause et donner un avis à l’employeur avant de partir. De la même manière, l’employeur qui décide de congédier une personne à son emploi avant la fin du contrat devra lui aussi donner un avis, comme pour les contrats à durée indéterminée. Si cette personne considère que la durée du préavis n’est pas raisonnable, elle pourra s’adresser aux tribunaux de droit commun pour en faire déterminer la durée appropriée (voir section 2.4).

Dans un contrat de travail à durée indéterminée, la fin (ou le terme) du lien d’emploi n’est pas fixée à l’avance. Chaque partie peut y mettre fin quand elle le souhaite. L’article 2091 du Code civil du Québec prévoit cependant qu’elle doit donner à l’autre un délai de congé d’une durée raisonnable compte tenu du type d’emploi et de sa durée. Si cette obligation n’est pas respectée, la partie lésée pourra réclamer de l’autre partie, devant le tribunal approprié, le versement d’une indemnité monétaire équivalente à la durée de ce délai de congé raisonnable. Ce serait par exemple le cas si votre employeur vous congédiait en ne vous donnant aucun délai de congé ou s’il vous en donnait un qui serait insuffisant.

Quelle est la durée du délai de congé que l’employeur doit donner avant de mettre fin à un contrat à durée indéterminée? L’employeur doit tenir compte de différents facteurs : le contexte de l’embauche, la nature et l’importance du poste occupé, l’âge de la personne salariée, le nombre d’années de service, sa conduite au sein de l’entreprise, la difficulté de trouver un nouvel emploi d’égale importance, etc. On l’aura compris, les sommes accordées par les tribunaux de droit commun varient beaucoup d’un cas à l’autre. Elles dépassent cependant rarement l’équivalent de 12 mois de salaire.

Votre employeur peut vous congédier sur-le-champ et sans délai de congé s’il a des motifs sérieux de le faire (art. 2094) (voir la section 2.3 de ce chapitre pour une explication de ce qui constitue un « motif sérieux »).

Si votre contrat de travail prévoit la durée du délai de congé à donner, votre employeur devra s’y conformer, sinon vous pourrez lui réclamer une indemnité équivalente à la durée de ce délai de congé.

Si rien n’est prévu au contrat ou si vous êtes d’avis que le délai de congé prévu au contrat n’est pas suffisant, vous pourrez réclamer de votre employeur un délai de congé raisonnable (art. 2092).

Il est cependant important de toujours vérifier si vous êtes admissible à un recours en vertu de la Loi sur les normes du travail. Un tel recours sera en effet généralement plus avantageux pour vous et vous permettra non seulement de réclamer une compensation monétaire, mais également de contester le congédiement afin d’obtenir, selon le cas, votre réintégration avec le salaire et les avantages perdus ou une indemnité de perte d’emploi (voir la section 11 du chapitre I, « Les plaintes à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail » ). Ne tardez pas trop à communiquer avec la Commission puisque les délais pour formuler une plainte relative à un congédiement ne sont que de 45 jours.

Par ailleurs, les personnes salariées couvertes par la Loi sur les normes du travail (LNT) peuvent également, si les circonstances le justifient, réclamer des tribunaux de droit commun un avis de cessation d’emploi (aussi appelé préavis ou délai de congé raisonnable) plus long que celui auquel elles ont déjà droit en vertu de la LNT. Dans de tels cas, le tribunal va soustraire de la somme accordée le montant déjà versé, selon ce qui est prévu dans la LNT.

Notez également que, dans tous les cas, il est primordial de mitiger (réduire) vos dommages. Pour ce faire, vous devez chercher rapidement un nouvel emploi et conserver des preuves de vos démarches. Si vous ne le faites pas, la ou le juge pourrait décider de réduire considérablement l’indemnité monétaire qu’il vous accordera (voir aussi l’encadré « L’obligation de mitiger ses dommages » dans la sous-section 11.7 B) du chapitre I). Elle ou il pourrait aussi réduire l’indemnité en fonction du salaire reçu grâce à un autre emploi ou si vous avez pris des vacances ou votre retraite.

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Exemple : Sarah est commis-comptable dans un cabinet de dentiste depuis cinq ans. Un autre employeur lui demande de venir travailler pour lui dans son propre cabinet. Il insiste beaucoup et Sarah accepte finalement son offre puisqu’on lui promet un meilleur salaire, de meilleures conditions de travail et le stimulant défi de mettre sur pied un nouveau système de gestion comptable. Un an plus tard, le nouveau système de gestion mis sur pied par Sarah est en place et fonctionne rondement. Son patron lui annonce alors que sa conjointe prendra dorénavant la relève et que, du même coup, elle est congédiée. Il offre à Sarah deux semaines de préavis. Sarah, qui n’avait pas de contrat de travail écrit, décide de poursuivre son employeur à la Cour du Québec, Division des petites créances, pour réclamer un délai de congé de 8 semaines.

L’employeur n’ayant pas démontré qu’il avait un motif sérieux de congédiement, le tribunal accorde à Sarah un délai de congé de 4 semaines. Ce délai de congé comprend les deux semaines d’avis de cessation d’emploi qu’elle a déjà reçues de son employeur en vertu de la Loi sur les normes du travail. Elle aurait pu recevoir plus, mais le tribunal a jugé qu’elle n’avait pas cherché à réduire ses dommages en ne faisant pas de démarches de recherche d’emploi.

Cependant, si c’est vous qui voulez quitter votre emploi et que votre contrat de travail prévoit la durée du délai de congé à donner, vous devrez en principe le respecter, car votre employeur pourrait vous poursuivre si votre départ hâtif lui cause des dommages. Si rien n’est prévu dans votre contrat, vous devriez quand même donner un délai de congé d’une durée raisonnable, c’est-à-dire qui tient compte de votre niveau de responsabilités et de la facilité avec laquelle l’employeur pourra vous remplacer, car celui-ci pourrait vous poursuivre pour la même raison. En cas de doute sur la portée de vos obligations, consultez une avocate ou un avocat. Dans tous les cas, protégez-vous en donnant votre délai de congé par écrit, en en conservant une copie. Si vous pressentez des difficultés, il serait opportun de transmettre ce document à votre employeur par courrier recommandé en demandant une signature à la réception, et de conserver précieusement la preuve.

Vous pourriez réclamer un délai de congé raisonnable si votre employeur décidait, au moment où vous lui faites part de votre intention de démissionner, de vous renvoyer sur-le-champ ou avant la fin de votre préavis (voir la section 9.1 du chapitre I, « La démission »).

De façon générale, devant les tribunaux de droit commun, vous pouvez tout d’abord réclamer le respect du contrat selon les clauses inscrites, mais aussi selon ce que la loi prévoit qu’il doit contenir.

Dans le cas d’un contrat de travail, vous pourriez ainsi réclamer de votre ancien employeur : le paiement du salaire jusqu’à la fin du contrat à durée déterminée, le paiement du délai de congé raisonnable lors de la fin du contrat à durée indéterminée ou encore le paiement de tous les autres avantages liés au contrat (bonus, commissions, vacances, heures supplémentaires, primes de départ, cotisations au fonds de pension, etc.). Vous pouvez également intenter une poursuite civile si votre employeur ne respecte pas votre contrat de travail ou l’entente verbale qu’il a avec vous et que vous souhaitez le forcer à respecter ses obligations ou lui réclamer des dommages et intérêts. Vous pourriez ainsi obtenir, par exemple, le remboursement de sommes dues depuis plus d’un an qui découlent de l’application de votre contrat de travail et que vous ne pouvez plus réclamer selon la LNT.

Dans le cas d’un contrat de service ou d’entreprise (voir la section 2.1, « Définitions »), vous pourriez réclamer de la personne ou de la compagnie qui utilisait vos services : les honoraires (ou la valeur des travaux) qui vous sont dus au moment de la rupture du contrat, la valeur des biens fournis, le remboursement des dépenses que vous avez engagées, etc.

Attention ! Il ne s’agit ici que de quelques exemples. Vos droits et recours dépendront surtout du contrat que vous avez signé.
Dans la mesure où votre employeur a eu une conduite « fautive », vous pouvez également réclamer une compensation pour les dommages qui vous auront été causés par sa conduite.

La conduite fautive pourra, par exemple, être le fait de vous congédier sans préavis raisonnable. Vous pouvez donc faire une réclamation devant les tribunaux de droit commun si vous jugez insuffisant l’avis de cessation d’emploi de votre employeur et ce, même si vous avez eu droit au préavis minimum prévu par la Loi sur les normes du travail (LNT) (voir la section 9.4 du chapitre I, « L’avis de cessation d’emploi ou de mise à pied »).

La conduite fautive peut également être liée à l’attitude de votre employeur : les insultes, les accusations injustifiées, le harcèlement ou encore tout comportement excessif ou déraisonnable peuvent, selon les circonstances, donner droit à une compensation pour les dommages que vous auriez subis. Enfin, du fait que l’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité, mais aussi la dignité, des personnes qu’il emploie, sa conduite fautive pourra être simplement le fait de ne pas être intervenu alors que vous subissiez ce genre de comportement au travail de la part d’une ou d’un collègue, et que cela avait été porté à sa connaissance. Vous pouvez donc intenter une poursuite civile si vous avez subi ce genre de situation et que vous désirez réclamer des dommages et intérêts (voir aussi la section 10 du chapitre I, « La plainte relative au harcèlement psychologique »).

La liste des dommages que l’on peut réclamer est très longue. Le principe est cependant simple : pensez à tous les préjudices, à tous les inconvénients, monétaires ou autres, qui découlent directement de la faute de l’employeur. Vous pourriez ainsi réclamer une compensation pour des traitements que vous avez dû suivre, pour des frais que vous avez dû engager, par exemple pour vous chercher un emploi, ou encore pour tous les troubles et inconvénients que vous avez subis.

Par contre, vous ne pouvez pas réclamer de dommages indirects. Par exemple, vous ne pourriez pas demander à ce qu’on vous indemnise pour la raison que, suite au congédiement, vous n’arriviez plus à payer l’hypothèque et que, de ce fait, vous avez perdu votre maison.

Lorsque vos dommages concernent le stress occasionné, le choc émotif, l’anxiété ou toute atteinte d’ordre psychologique, le terme dommages moraux est utilisé. Notez que la souffrance morale « normale » causée par un congédiement n’est pas indemnisable. Toutefois, vous pourrez réclamer une compensation pour ces dommages, dans la mesure où vous ferez la preuve que ceux-ci ont été causés par suite d’un comportement inéquitable ou de la mauvaise foi de l’employeur (par exemple, si l’employeur est trompeur, menteur ou trop implacable). Il faut donc comprendre que des dommages moraux ne seront accordés que dans des cas particulièrement graves.

Il est également possible d’obtenir une somme d’argent additionnelle à titre de « punition » contre l’employeur lorsque la preuve peut être faite que celui-ci a intentionnellement contrevenu à un droit protégé par la Charte des droits et libertés de la personne (voir le chapitre III, « Les droits et libertés de la personne » ). Les termes dommages exemplaires ou dommages punitifs sont alors utilisés. Il peut s’agir, par exemple, de discrimination fondée sur un des motifs interdits par la Charte, d’une atteinte à votre droit à l’égalité, à la dignité, d’une atteinte à votre réputation ou à votre vie privée, etc.

Habituellement, c’est aux tribunaux de droit commun que l’on peut s’adresser dès qu’on a une réclamation qui n’est pas de la juridiction exclusive d’un tribunal spécialisé. Par exemple, si vous avez subi un accident de travail ou développé avec le temps une maladie professionnelle, vous ne pouvez pas poursuivre votre employeur devant les tribunaux de droit commun pour ce motif : c’est à la section santé et sécurité de la CNESST que vous devez vous adresser. Par contre, si vous bénéficiez d’un contrat d’assurance invalidité et que votre assureur refuse de payer, ce sera devant les tribunaux de droit commun que vous pourrez poursuivre votre assureur pour obtenir le respect du contrat et le paiement des prestations qui vous sont dues.

Si vous avez déjà une réclamation devant les tribunaux ou si votre employeur vous doit de l’argent au moment où il a fait faillite, vous devez envoyer une preuve de réclamation au syndic. Pour en savoir plus sur les démarches à entreprendre, consultez la sous-section 11.2 C) du chapitre I.

Le Code civil du Québec prévoit des délais variant de un à trois ans, selon le type de poursuite civile. Vu la nécessité de respecter ces délais, la lenteur du système judiciaire et les possibilités de disparition des éléments de preuve, il vaut mieux en général agir à l’intérieur de l’année suivant les événements. Rappelons aussi qu’il est préférable de communiquer avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail dans les jours qui suivent un congédiement puisque, lorsqu’il est possible de déposer une plainte, vous ne disposez généralement que de 45 jours pour le faire. Si vous êtes une personne syndiquée, il faut communiquer immédiatement avec les représentantes ou représentants du syndicat, puisque certaines conventions collectives exigent que les griefs soient formulés dans les quinze jours qui suivent le congédiement.

Si vous réclamez une somme d’argent devant un tribunal de droit commun, c’est vous qui avez le fardeau de la preuve, c’est-à-dire que c’est vous qui avez l’obligation de convaincre le tribunal que vous avez raison.
Pour convaincre le tribunal, vous devez prouver tous et chacun des éléments à l’appui de votre demande. Cette preuve pourra être faite par divers moyens : par des témoignages devant le tribunal, par des contrats et autres documents signés par les parties, par des échanges de courriels, par des factures, registres, livres de compagnie, par des photos, des enregistrements, des rapports d’experts, etc. De nombreuses règles prévoient ce qui peut être utilisé comme preuve et, surtout, comment cette preuve peut être présentée devant la Cour. Il serait préférable que vous consultiez une avocate ou un avocat à ce sujet avant de vous présenter à votre procès afin d’éviter les mauvaises surprises.

Les éléments dont vous devrez faire la preuve devant le tribunal varieront beaucoup selon le type de réclamation. De façon très générale, vous devrez démontrer à la Cour la présence des éléments suivants (art. 1457 et suivants du Code civil du Québec) :

  • votre employeur a commis une faute à votre égard : non-respect du contrat, agissements de mauvaise foi, fausses accusations, etc.;
  • vous avez subi un dommage : perte d’emploi, perte de revenu, humiliation, atteinte à la dignité, atteinte à la réputation, etc.;
  • le dommage que vous avez subi a été causé directement par cette faute.

Attention ! Une poursuite devant les tribunaux de droit commun peut coûter cher. La partie qui perd sa cause, employeur ou personne salariée, pourra en outre être condamnée à payer à l’autre partie certains honoraires et frais encourus pour que la cause soit entendue. Vous auriez peut-être avantage à déposer plutôt votre réclamation devant la Division des petites créances.

La Division des petites créances, communément appelée Cour des petites créances, est une division de la Cour du Québec. Elle a été créée pour faciliter l’accès de toutes et de tous à la justice. Comme ce tribunal est plus accessible que tout autre aux personnes non syndiquées, nous en présentons ici le fonctionnement. En principe, ni vous ni votre employeur ne peut y être représenté par une avocate ou un avocat. Toutefois, si une cause soulevait une question très complexe sur un point de droit, la ou le juge pourrait, de son propre chef ou à la demande d’une partie, permettre aux parties d’être représentées par une avocate ou un avocat. Dans ce cas, les honoraires et les frais des avocats sont assumés par le ministère de la Justice. Cela étant dit, avant de mettre votre demande par écrit, rien ne vous empêche de consulter une avocate ou un avocat qui pourra vous informer sur vos droits, vos obligations ou sur la procédure à suivre, et vous assister, si nécessaire, lorsque vous rédigerez votre réclamation.

Vous pouvez vous adresser à la Divison des petites créances si votre réclamation est de 15 000 $ ou moins, sans compter les intérêts. Comme il s’agit d’un recours qui est en général beaucoup plus simple, plus rapide et moins coûteux qu’une poursuite devant les tribunaux de droit commun, il pourrait être avantageux de réduire votre demande à 15 000 $, même si vous pensiez réclamer davantage. Si vous décidez de réduire votre demande pour qu’elle soit entendue par la Division des petites créances, vous devez le mentionner dans votre demande. Par exemple, vous avez une réclamation que vous évaluez à 20 000 $. Selon les circonstances, cela vaut peut-être la peine de la réduire à 15 000 $ pour éviter de payer des frais judiciaires et des honoraires pour la représentation par avocate ou avocat devant les autres tribunaux civils. Vous inscrivez alors dans votre demande que votre réclamation initiale était de 20 000 $, mais que vous consentez à réduire le montant qui vous est dû pour que votre cause soit entendue par la Division des petites créances.

Notez cependant que certaines réclamations ne peuvent pas être entendues par la Division des petites créances, et ce, quel que soit le montant en jeu. Il en est ainsi notamment de celles concernant un bail (entendues par la Régie du logement), ainsi que de celles touchant les pensions alimentaires ou les poursuites en diffamation (entendues par les autres tribunaux de droit commun).

Enfin, notez que si votre employeur vous poursuit devant les tribunaux de droit commun pour un montant de 15 000 $ ou moins, il vous est possible de demander que le dossier soit transféré à la Division des petites créances.

Si vous êtes une travailleuse ou un travailleur autonome, et que votre contrat est considéré comme un contrat de service ou un contrat d’entreprise, vous pouvez quand même vous adresser à la Division des petites créances pour réclamer ce qui vous est dû suite à la rupture des engagements. Dans ce cas, la loi prévoit qu’une compagnie, une société ou une association peut faire une demande à la Division des petites créances si, dans les douze mois qui précèdent la demande, elle n’a pas eu plus de cinq personnes employées sous sa direction ou son contrôle. Vérifiez toutefois, car il y a des exceptions.

Avant de vous adresser à la Division des petites créances, vous devriez tout d’abord tenter d’en arriver à une entente à l’amiable avec votre employeur. On ne sait jamais! Si vos tentatives d’entente à l’amiable échouent, adressez-lui une lettre de mise en demeure (voir l’exemple à la fin du chapitre), lui demandant formellement de vous verser les sommes qui vous sont dues. Dans certains cas, expédier une mise en demeure est obligatoire : renseignez-vous au greffe (ou bureau du greffier) de la Division des petites créances. Si c’est le cas, faites-le en demandant au bureau de poste une signature confirmant la réception, et conservez précieusement cette preuve et une copie de la lettre. Il serait certainement très utile, dès cette étape, de consulter une avocate ou un avocat afin d’identifier tout ce que vous pouvez réclamer et afin de vous assurer que votre mise en demeure est complète. Vérifiez également si vous êtes admissible à l’aide juridique (voir le chapitre XV, « Si vous avez besoin d’une avocate ou d’un avocat »). Si vous l’êtes, vous pourriez avoir droit à une consultation juridique gratuite pour vous aider à identifier vos droits et vos recours et à établir le montant de votre réclamation. Dans la mesure où vous démontrerez que vous n’avez pas la capacité de rédiger vous-même la mise en demeure, l’avocate ou l’avocat pourra également la rédiger pour vous.

Il est important, dès le début de vos démarches, d’accumuler tous les documents que vous voudrez utiliser pour faire la preuve de votre réclamation (voir des exemples de documents à la section 4.5 de ce chapitre). De plus, comme votre témoignage sera très important, il serait utile que vous écriviez, pendant que votre mémoire est encore fraîche, un historique des faits et des événements qui se sont déroulés.

Si votre employeur ne donne pas suite à votre mise en demeure, vous pourriez prendre rendez-vous au greffe de la Division des petites créances de la Cour du Québec pour réclamer les montants qu’il vous doit. En règle générale, vous devez déposer votre demande au greffe du tribunal situé au palais de justice le plus proche de la place d’affaires de votre employeur, qui est habituellement le lieu où vous avez travaillé. D’autres règles peuvent toutefois s’appliquer et venir modifier le district judiciaire où vous devez déposer votre demande.

Lors de cette rencontre, la greffière ou le greffier complétera avec vous le formulaire de requête (demande) de la Division des petites créances et en enverra une copie, par courrier recommandé, à votre employeur. Vous pouvez également rédiger vous-même la demande à l’aide du formulaire Demande aux petites créances et ensuite déposer la demande et les documents nécessaires au greffe de la Division des petites créances. N’oubliez pas d’apporter des copies de tous vos tous vos documents, y compris votre mise en demeure; le greffe les conservera au dossier. De votre côté, assurez-vous de toujours conserver avec vous au moins une copie de chaque document que vous remettrez au greffe afin de pouvoir les consulter lors de la préparation du procès.

Attention ! À toutes les étapes de votre dossier, la greffière ou le greffier de la Division des petites créances est là pour vous aider en vous donnant une foule d’informations (sans toutefois vous donner de conseils juridiques) et en vous indiquant les différentes règles à respecter. Pour cela, vous devez le demander; alors n’hésitez pas !

Les frais que vous aurez à débourser pour ouvrir un dossier varient en fonction du montant que vous réclamez. Ils se situeront entre 75,32 $ pour une réclamation de 1 000 $ ou moins et 200 $ pour une réclamation de 7 000 $ ou plus. Pour les personnes morales, soit les entreprises et les travailleuses et travailleurs autonomes, les frais vont de 127 $ à 250 $. Si vous gagnez votre cause, ces frais vous seront probablement remboursés par votre employeur. Ces tarifs ne sont pas toujours les mêmes, informez-vous. De plus, une personne qui reçoit des prestations en vertu d’un programme de protection sociale prévu dans la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles est dispensée du paiement de ces frais.

Sur réception de votre requête, l’employeur aura 20 jours pour décider s’il accepte de payer le montant que vous réclamez, s’il désire vous proposer un règlement à l’amiable ou s’il conteste votre réclamation. Si votre employeur ne répond tout simplement pas, un jugement par défaut pourrait être rendu en votre faveur. Si votre employeur conteste la requête, il devra répondre par écrit et exposer les raisons pour lesquelles il souhaite contester. Votre dossier sera alors soumis à une ou un juge. Vous recevrez un avis écrit qui vous indiquera la date, l’heure et le lieu de l’audition de votre cause.

Les frais que votre employeur devra assumer pour la contestation varieront aussi en fonction du montant qui lui est réclamé. Si votre employeur est une compagnie, ces frais varieront entre 113 $ pour une réclamation de 1 000 $ ou moins et 240 $ pour une réclamation de 7 000 $ ou plus. Vous pourriez avoir à rembourser ces frais si votre employeur obtient gain de cause. Ces frais s’appliquent également à vous si vous êtes une travailleuse ou un travailleur autonome et que vous voulez contester une décision. Ces tarifs peuvent être modifiés, informez-vous.

La greffière ou le greffier vous informera dès le départ qu’il est possible, sans frais additionnels, de soumettre votre litige à la médiation. Les deux parties doivent être d’accord pour que la médiation puisse avoir lieu. La médiation dure environ une heure et se déroule à un moment qui convient aux deux parties.

En acceptant d’y participer, vous avez l’occasion de discuter avec votre employeur en présence d’une médiatrice ou d’un médiateur. La loi prévoit que la médiation doit être dirigée par une avocate ou un avocat, ou bien par une ou un notaire, qui sera en mesure d’évaluer sommairement la position des parties et de proposer des compromis qui pourront éventuellement permettre un règlement à l’amiable. La loi prévoit également que, dans le cas où aucune entente n’est intervenue, la médiatrice ou le médiateur déposera un rapport au dossier qui résumera les faits, la position des parties, les points de droit qui sont soulevés, les documents que les parties veulent utiliser et la liste des témoins qui seront entendus.

Il est donc important de bien se préparer avant d’aller en médiation. Il serait probablement très utile d’avoir un avis juridique à cette étape. Si vous ne l’avez pas déjà fait, vérifiez votre admissibilité à l’aide juridique. Si vous êtes admissible, il se pourrait que vous ayez droit à une consultation gratuite avec une avocate ou un avocat pour obtenir une opinion juridique sur votre dossier.

Si votre employeur a contesté par écrit votre demande et qu’aucune entente n’est intervenue en médiation, vous recevrez un avis écrit qui vous indiquera la date, l’heure et le lieu où votre cause sera entendue. Sur réception de cet avis de convocation, vous devriez demander immédiatement à la greffière ou au greffier d’envoyer une citation à comparaître (subpoena) aux témoins qui vous sont favorables, en fournissant leurs coordonnées et en indiquant les documents qu’ils doivent apporter à l’audience, le cas échéant. Cela vous assurera que vos témoins seront bien présents le jour de l’audition de votre cause et qu’ils n’oublieront pas d’apporter les documents pertinents. De plus, cela leur permettra, s’il y a lieu, de justifier leur absence auprès de leur employeur.

Même s’il peut s’écouler quelques mois entre le dépôt de la requête et la date de l’audience, il est très important de vous préparer à l’avance. Devant le tribunal, vous devez en effet présenter des faits, pas seulement des impressions ou de vagues souvenirs. Si vous ne l’avez pas déjà fait, il faut noter aussitôt que possible sur papier tous les faits concernant votre cause, préférablement dans l’ordre chronologique (l’ordre où ils se sont produits). Retrouvez aussi tous les documents originaux qui peuvent appuyer votre témoignage (contrat de travail, bulletins de paye, etc.), identifiez-les, photocopiez-les et conservez-les précieusement. Pensez à tout ce que vous désirez utiliser en preuve pour convaincre le tribunal : il peut s’agir de lettres, courriels, mémos, factures, copies de chèques, photos, enregistrements, etc. Notez également le nom de vos témoins, leur adresse, les documents en leur possession et ce en quoi ils peuvent aider votre cause. Sachez qu’il vous est possible de produire une déclaration écrite d’un témoin plutôt que de lui demander de se présenter à l’audience si vous croyez que cette déclaration écrite est suffisante et que sa présence n’est pas nécessaire. Sa déclaration peut être faite au moyen d’une lettre, ou en remplissant le formulaire « Déclaration pour valoir témoignage » disponible à la Division des petites créances. Vous devrez alors déposer cette lettre ou ce formulaire au moins quinze jours avant l’audience. La partie adverse en sera toutefois informée et pourra en prendre connaissance. Elle pourra aussi demander que ce témoin se présente tout de même à l’audience.

Au moins quinze jours avant la date fixée pour l’audience, vous devez remettre au greffe tous les documents et déclarations que vous souhaitez utiliser en preuve et qui n’ont pas encore été produits. Profitez-en pour vérifier si vous avez reçu une copie de tous les documents que votre employeur entend utiliser : chaque partie peut en effet obtenir une copie des documents déposés par l’autre partie en en faisant la demande au greffe.

Un service gratuit de consultation juridique est mis à la disposition des personnes qui ont obtenu la date de leur procès devant la Division des petites créances. Des avocates et avocats du Jeune Barreau de Québec ou de l’Association du Jeune Barreau de Montréal pourront vous aider à comprendre le déroulement d’une audience et à préparer la présentation de votre preuve. Cette rencontre, d’une durée d’une vingtaine de minutes, ne vous permet toutefois pas d’obtenir un avis juridique. Ce service est disponible sur rendez-vous seulement et le nombre de places est limité. Lors de la consultation, vous devez avoir en main tous les documents pertinents (avis de convocation, requête, factures, mise en demeure, etc.).

Vous pourriez également assister à d’autres audiences de la Division des petites créances (vous y avez droit) afin de vous familiariser avec les locaux et le fonctionnement de cette Cour. Cela vous aidera à comprendre ce que le tribunal attend de vous et à réduire le stress que cette démarche peut vous causer.

Lors de l’audience, vous et votre employeur (ou une autre personne qui le représente, mais pas une avocate ou un avocat) exposerez votre version des faits : vous présenterez vos documents et vos témoins, s’il y a lieu. Si vous avez des trous de mémoire, utilisez les notes que vous avez prises. Dans la majorité des cas, la ou le juge consultera les documents, interrogera les deux parties et leurs témoins et apportera à chacun une aide équitable et impartiale.

Un jugement pourra être rendu immédiatement (sur le banc) lors de l’audience, ou quelques semaines plus tard. La loi prévoit que tout jugement doit être rendu, au plus tard, dans les quatre mois de l’audience. Un jugement écrit vous sera expédié ainsi qu’à votre employeur.

Attention ! Gardez à l’esprit que la partie qui perd sa cause doit généralement rembourser les frais judiciaires que l’autre partie a déboursés. C’est la ou le juge qui, dans son jugement, décidera de la question des frais. Ces frais peuvent comprendre le montant déboursé pour l’ouverture du dossier ou pour la contestation, ainsi que le remboursement de tout autre frais accordé par la ou le juge.

Le jugement est final et sans appel. Votre employeur a 30 jours, à partir du moment où le jugement est rendu, pour vous remettre le montant dû. Toutefois, s’il n’a pas contesté votre demande, ce délai n’est que de 10 jours.

Si votre employeur refuse de respecter le jugement et de payer ce qui vous est dû, vous devrez le forcer à le faire par la voie d’une saisie. Pour vous aider dans cette démarche, vous pouvez vous adresser au greffe de la Division des petites créances, à une avocate ou un avocat, ou encore, directement à une huissière ou à un huissier. Les frais d’exécution du jugement (les frais de saisie) seront assumés par votre employeur. Par contre, les coûts qui vous seront facturés pour obtenir de l’aide ne seront, eux, remboursables qu’en partie. Demandez toute l’information à ce sujet à la personne que vous irez consulter. Même si vous avez jusqu’à 10 ans pour vous faire payer ce qui vous est dû en vertu du jugement, ne laissez surtout pas traîner les choses !

Exemple de mise en demeure

Cette lettre de mise en demeure est fournie à titre d’exemple. Bien entendu, adaptez-la à votre propre situation et soyez bref: il ne s’agit pas de plaider votre cause, mais plutôt de donner une dernière chance à votre employeur de vous verser votre dû!

La lettre de mise en demeure doit contenir les informations suivantes:

  • la date;
  • les coordonnées du destinataire (la personne à qui s’adresse l’envoi);
  • la mention « sous toutes réserves » (elle vise à vous protéger relativement à ce qui est affirmé dans la lettre);
  • la mention « mise en demeure », afin que la/le destinataire sache à quoi s’en tenir;
  • votre demande et les motifs qui la justifient;
  • le délai pour régler le problème (un délai de dix jours est normalement jugé raisonnable);
  • votre signature et vos coordonnées.

Lieu et date

SOUS TOUTES RÉSERVES

Nom de la compagnie

Nom de l’employeur (ou de la cliente ou du client) et son titre
Adresse complète de la compagnie

Madame, Monsieur,

(Suggestion pour une personne salariée)
Je désire, par la présente, vous mettre en demeure de me payer la somme totale de ______ $, représentant ___ semaines de salaire brut, due à titre de délai de congé raisonnable, ainsi qu'un montant de ______ $ dû à titre de dommages (matériels et moraux) subis, le tout en raison de mon congédiement survenu le ____________.

(Suggestion pour une travailleuse ou un travailleur autonome)
Je désire, par la présente, vous mettre en demeure de me payer la somme totale de ______ $, représentant une rémunération de ________ $ qui m'est due pour le travail accompli à votre demande, ainsi qu'un montant de ______ $ dû à titre de dommages (matériels et moraux) subis, le tout en vertu du contrat (verbal ou écrit) intervenu entre nous le ______________.

Si je n’ai pas reçu cette somme dans les 10 jours de la réception de la présente lettre, je devrai intenter contre vous les procédures judiciaires qui s’imposent, sans autre avis ni délai.

Veuillez agir en conséquence.

Votre signature

Votre nom en lettres moulées

Votre adresse et votre numéro de téléphone